Perles de verre et verres filés
La sélection de pièces verrières présentée ici illustre l’art du verre filé ou verre à la lampe. Le verre transparent ou coloré utilisé sous forme de baguettes ou tubes est chauffé sur une flamme d’une lampe à huile devenant malléable, il est ainsi étiré en fil.
Ce travail trouve son origine à Venise avant de s’étendre à d’autres villes européennes et notamment à Nevers dès le XVIe siècle avec l’émigration de verriers originaires d’Altare en Italie. Ces artisans verriers appelés « émailleurs » se consacrent alors à la production de toutes sortes d’ouvrages et principalement de petites figurines émaillées selon la technique du travail à la lampe les modelant à l’aide d’une pince à partir d’une armature métallique recouverte de verre. Ces figurines étaient disposées souvent par petits groupes ou dans des ensembles plus importants présentés dans des boîtes vitrées appelées « paradis » et dont les sujets pouvaient mêler profane ou religieux. La production de ces figurines isolées, de ces « paradis » constitue de véritables chefs-d’œuvre verriers, des tableaux animés minutieusement orchestrés en trois dimensions. L’appellation « verre filé » n’est attestée qu’au XIXe siècle désignant le verre mis en fil au moyen d’un dévidoir pour désigner par extension les figurines et objets réalisés à la lampe d’émailleur. Ces ouvrages connurent un engouement auprès d’une clientèle variée regroupant aussi bien ecclésiastiques, amateurs de passage qu’aristocrates. Ainsi trouve-t-on des productions aussi bien modestes que prestigieuses lorsqu’il s’agissait d’honorer des commandes princières ou royales comme en témoigne cette scène armoriée à décor de navires. Si l’altération des couleurs des émaux ne nous permet pas d’identifier les armoiries, la couronne comtale figurant sur celles-ci témoigne d’une origine aristocrate. Anciennement présenté dans la collection Arturo Lopez-Willshaw à Paris puis dans celle de Roland de La Poype à Antibes, cet ensemble illustre une grande scène particulièrement caractéristique de la production nivernaise au XVIIIe siècle que nous pouvons comparer à une grande scène représentant le port de Brest avec des navires similaires qui est conservée au Manoir de Saussey
La technique du verre travaillé à la lampe en usage à Nevers depuis le XVIe siècle va progressivement se diffuser au cours du XVIIe siècle dans les villes environnantes notamment grâce au Privilège accordé en 1665 au maître de la Verrerie de Nevers de « transporter ses ouvrages aux foires et marchés publics du royaume et particulièrement en lieux qui sont sur la rivière de Loire, depuis Nevers jusqu’à Poitiers… ». C’est ainsi que la ville de Saumur est devenue à son tour un grand centre de production de figurines en verre filé où œuvra avec talent l’artiste émailleur Lambourg, auteur de la crèche présentée ici. On sait de l’artiste Lambourg qu’il est né en Vendée en 1780 et qu’il rentre comme apprenti chez les frères Louvigny « émailleurs réputés » de Saumur et qu’il s’installera à son compte à la suite de cette formation. Actif au cours du XIXe, il sera à la tête d’un « atelier et magasin » où il exposait ses travaux. Il jouira d’une belle popularité à Saumur et certaines de ses œuvres seront également présentées aux expositions universelles de 1827 et 1855 à l’instar du groupe du lion et du serpent entré ensuite en 1862 dans les collections du Musée des arts et métiers. René Lambourg est l’auteur de grandes compositions dont la variété des figurines et des couleurs offrent au spectateur richesse sans fin.
Véritable travail d’orfèvrerie de verre filé, cette crèche est un chef-d’œuvre de patience et de minutie. Y foisonnent sur deux étages personnages, saints, animaux, navires avec au centre une grotte végétalisée abritant la nativité surmontée sur fond de la boîte d’une croix composée de perles de verre transparent et coloré. La boîte architecturée est abondamment composée de plaques de verre églomisé légendées de phrases dictées par la foi chrétienne, le paradis et le salut éternel « Éternité ! »
« Ô Hommes que faites vous si vous ne songez à l’éternité »,
« Paradis de Délices Éternité d’Amour ! Alleluia »… En partie haute, on reconnaît la figure de saint Pierre face à un saint entouré d’anges.
Un ensemble comparable du même artiste est conservé dans les collections du musée d’Art religieux de Blois.
Références bibliographiques : Musée des arts et métiers – La Revue numéro 32 juin 2001 Verres filés Du XVIe au XXIe siècle, Sylvie Lhermite King
